Ce lézard à longue queue est capable de conserver ses œufs provisoirement dans son corps si les conditions ne sont pas idéales pour élever ses petits.
L’agame arlequin ou agame variable (Calotes versicolor) fait partie du sous-ordre des sauriens, il a la capacité de changer la couleur de sa peau ce qui lui a valu son nom. Il est également appelé caméléon à Rodrigues, une île faisant partie de la République de Maurice, parce qu’il est capable de bouger ses yeux de manière désynchronisé. Au Sri Lanka il est surnommé sangsue car lorsque l’un de ses rivales pénètre sur son territoire, le mâle bagarreur se métamorphose tout de suite et prend une couleur rouge, comme si le sang lui montait à la tête à cause de la colère.
Cet agame est une espèce très dispersée. Son vrai pays se trouve en Asie, il est originaire du sud de l’Iran et de l’est de l’Afghanistan. L’homme l’a introduit avec ou sans intention dans les autres régions de la Terre. Il est présent en Floride, à Singapour, aux Seychelles et aux Mascareignes. Parmi les îles de l’océan Indien, il s’est installé à la Réunion pour la première fois en 1865 en arrivant à bord d’un navire provenant de Java qui transportait des boutures de canne à sucre. D’ici il est parvenu à l’île Maurice, puis à l’île Rodrigues située 560 kilomètres à l’est de celle-ci, où il s’est naturalisé vers 1990. C’est là que j’ai réussi à photographier ce petit reptile à la crête dorsale.
Mon chemin m’a conduit dans le Jardin des 5 Sens, un jardin botanique verdoyant au milieu de l’île. Bien que les fleurs bigarrées fussent fascinantes, c’était un lézard prenant un bain de soleil sur un des petits arbres qui a attiré mon attention. Il a grimpé sur la branche fine à l’aide de ses grandes griffes. Sa queue longue basculait sous le rameau, et était 2 fois plus grande que tout son corps. Un adulte mesure environ 40 centimètres de longueur de la tête à la queue. A l’opposé d’autres lézards, cet agame ne perd jamais sa queue pointue et musclée, mais garde la faculté de muer. Sa couleur peut être brun grisâtre, gris foncé ou vert olive, mais on a déjà observé des individus totalement noirs à la Réunion. Sur le dos de celui que j’ai photographié dans le bosquet, une rayure gris clair courait du sommet de sa tête jusqu’à sa queue.
L’agame arlequin s’est bien accommodé à l’habitat de l’homme, il se trouve également dans la ville, bien que l’on puisse l’observer le plus souvent dans les espaces verts. Il grimpe sur les arbres si il détecte une menace ou pour s’y reposer pendant la nuit. Les jeunes se cachent habituellement dans l’herbe ou parmi les buissons. Cet agame sait aussi bien nager, que ce soit dans l’eau douce ou salée.
Comme tous les prédateurs, il est toujours à l’affût pour chasser. Il attrape principalement des insectes, des fourmis et des termites, bien qu’en vérité il soit omnivore. Parfois il attaque les petits vertébrés, les rongeurs et les oiseaux, ainsi que d’autres lézards, de plus, des individus de sa propre espèce peuvent périr victime sous ses assauts. Avec ses dents, il ne dévore pas sa proie, il l’attrape seulement, puis l’avale en entier. Bien que les habitudes alimentaires de certains spécimens dégénèrent en cannibalisme, d’autres sont végétariens.
Les 2 sexes sont similaires, mais pendant la période d’accouplement le mâle fait changer la couleur de sa tête et de sa gorge en rouge, et parfois, tout son corps brille de cette couleur vive. Il fait la parade nuptiale en bougeant sa tête de haut en bas pour séduire sa partenaire. Après avoir copulé, la femelle pond entre 10 et 20 œufs ovales sur le sol humide qui écloront 6 à 7 semaines plus tard. Les jeunes reptiles deviennent matures à l’âge d’un an. Si les conditions ne sont pas favorables pour élever les petits, la femelle abaisse la température de son corps entre 3 et 5 degrés pour ralentir provisoirement la croissance des embryons. Elle est capable de conserver les œufs se développant ainsi dans son corps pendant 6 mois. La mère sait également contrôler la quantité et la taille des œufs. S’il n’y a pas assez de proies dans son environnement, elle pondra moins d’œufs mais ils seront plus larges et plus riches en nutriments. Les juvéniles pourront ainsi devenir plus forts et avoir plus de chances de survivre.